Le monde – première partie
En effet, les progrès des sciences ont grisé beaucoup d’hommes, et ils les ont amenés à n’admettre l’existence que des réalités accessibles à leurs investigations. Cette griserie contamine jusqu’aux croyants. Aujourd'hui un catholique, qui croit en des réalités dont l’existence est attestée uniquement par la foi, peut, même parmi ses coreligionnaires, faire figure de retardé ou de naïf, un peu comme un adolescent qui croirait encore en la cigogne porteuse de bébés.
À maintes reprises Paul VI a signalé les périls de « l’esprit technique » : « La domination des choses et des forces naturelles, la primauté donnée à l’action pratique et utile, l’organisation entièrement nouvelle de la vie par suite des multiples applications de la technique, tout cela supprime chez l’homme le souvenir de Dieu et étouffe en lui le besoin de la foi et de la religion. Déjà Pie XII… dans son radio-message de 1953 parlait de « l’esprit technique » dont est imprégné l’esprit moderne ». On considère l’exploitation maximale des forces de la nature comme l’idéal suprême de la vie humaine. La conception technique de la vie n’est dès lors qu’une forme particulière du matérialisme.
À « l’esprit technique » ajoutez une difficulté d’ordre purement psychologique : la répugnance diffuse au raisonnement abstrait. L’homme d’aujourd'hui acquiert ses connaissances principalement par les sens – nous vivons au temps de la civilisation de l’image – alors que la foi exige l’emploi de l’esprit, car lui seul atteint les réalités inaccessibles aux sens. Aussi bien l’acte de foi est-il devenu actuellement plus difficile même au niveau psychologique. La métaphysique est en crise.
D’ailleurs, observe encore le Saint-Père, le tourbillon de la vie moderne attire et entraîne tellement les hommes d’aujourd'hui, les impressionne tellement, les remplit à tel point d’images, de pensées, de passions, de désirs, de jouissances, de mouvements, qu’ils n’ont plus de temps pour écouter la parole du Christ. Et, s’ils en ont entendu quelque chose à l’école ou à l’église, il s’agit pour eux d’un sujet si difficile, si incohérent, apparemment si inutile que souvent ils en rapportent plus d’ennui que de joie, plus d’idées étranges que de lumière pour éclairer leur âme et leur vie.
L’esprit de contestation est encore venu accroître ces difficultés de la foi. « On assiste, çà et là, non tellement à une négation brutale, mais à une mise en question de certaines vérités doctrinales : le péché originel ; les miracles, même ceux du Christ ; la virginité perpétuelle de Marie ; voire la résurrection du Christ, fondement de toute notre foi. Cette contestation plus ou moins avouée est une infidélité à l’enseignement le plus net de l’Église. »
Georges Huber, Mon ange marchera devant toi.